Le projet, qui coûte 2 milliards $ et est initié par le CDEEE (la Société dominicaine des entreprises publiques d’électricité), comprend non seulement deux unités au charbon, mais aussi la construction d’un terminal charbonnier d’une capacité de 80 000 tonnes, ainsi que toutes les installations liées comme les convoyeurs, les systèmes de refroidissement et de traitement de l’eau, et une sous-station d’électricité.
La construction de la centrale à charbon, effectuée par l’entreprise brésilienne Odebrecht, a débuté en 2015 grâce à des fonds dominicains et est censé finir au début de 2017.
SOCIETE GENERALE, UNE DES 5 BANQUES IMPLIQUEES
Le 30 Décembre 2015, 5 banques européennes ont déboursé 200 millions $ (1) pour la construction du projet, soit un premier versement sur un total qui devrait atteindre les 632,5 millions de dollars.
Parmi ces 5 banques, Société Générale qui annonçait pourtant un mois plus tôt vouloir aligner ses activités avec un scénario 2°C, et adoptait des mesures visant à réduire ses financements au charbon…
Les deux n’étant pas compatible, les Amis de la Terre appellent la Société Générale à respecter ses dires, et à ne pas participer au versement de fonds supplémentaires.
LES RISQUES DU PROJET
A. Risques sur les droits à un environnement sain et conflits d’usage autour de l’accès à l’eau
Le projet augmenterait les pressions sur les ressources, et en particulier sur les ressources en eau. Le Comité national de lutte contre le changement climatique a à ce sujet critiqué l’approche du gouvernement lors d’une réunion à Bani City Hall en Octobre 2014. Car alors que la population manque d’eau potable et d’eau pour l’irrigation, le gouvernement choisit non pas de la rationaliser mais de la détourner de la ville de Santo Domingo.
Si le manque d’eau pour l’irrigation menacera la culture d’oignon, la pollution provoquée par la centrale affectera aussi la santé des populations et du bétail, ainsi que la qualité des sols.
Enfin, le projet menace le droit fondamental à la santé et à un environnement sain, en particulier pour les populations vivant dans la zone proche du projet. La question est d’autant plus problématique en raison du manque d’information et d’évaluation conséquente des risques du projet.
B. Un cas emblématique de la corruption des élites économiques et politiques
L’appel d’offre qui s’est conclu par le choix d’Odebrecht pour construire l’usine a été largement critiqué, encore dernièrement dans un article d’un avocat réputé Namphi Rodriguez paru dans le journal Dominican Today (2), pour sa violation de la Constitution et de la loi sur les marchés publics. La justice brésilienne enquête actuellement sur les pratiques de corruption de l’entreprise. Il est présumé que le projet est surévalué d’un demi-milliard de dollars et que l’argent ainsi obtenu sera utilisé pour financer la campagne de réélection en cours du président de la République dominicaine Danilo Medina. Alors que le système de justice dominicain est actuellement confronté à une crise de crédibilité, avec des manifestations réclamant la démission de tous les juges de la Haute Cour, ce grand projet d’infrastructure fait figure de cas emblématique de la corruption des élites et de leur impunité.
C. Un projet en contradiction avec l’accord de Paris et l’impératif climatique
La centrale de Punta Catalina et celle adjacente de Santa Catalina devraient produire 174 000 tonnes de cendres et 14 000 tonnes de suint par an comme déchets de la combustion du charbon, ainsi que 30 tonnes de dioxyde d’azote et de 30 tonnes de dioxyde de soufre par jour, sans parler des nombreuses micro-particules de métaux lourds. Et la centrale à charbon Punta Catalina devrait aussi émettre 5 à 8 millions de tonnes de CO2 chaque année, de quoi augmenter d'environ 20% les émissions de CO2 par personne de cette petite île déjà très vulnérable aux changements climatiques.
Selon SourceWatch, des organisations locales et des particuliers ont déposé une injonction devant la Cour administrative supérieure en décembre 2015 pour arrêter la construction des deux centrales de Punta Catalina et de Santa Catalina. D’après eux, les projets violent la loi 64-00 sur l’Environnement et les Ressources naturelle.
Quelque soit l’impact, ce projet montre l’hypocrisie de Société Générale qui a adopté des engagements climat quelques jours avant le lancement de la COP21. Car même si la banque ne s’est qu’engagée à ne plus financer de projets de centrales à charbon que dans les pays de l’OCDE à hauts revenus (soit environ 4% du marché), elle avait annoncé vouloir aligner ses financements avec un scénario 2°C. Or, d’après un récent rapport de Climate Action Tracker, tout nouvelle infrastructure charbon est incompatible avec cet objectif.
Pour être crédible en matière climatique, Société Générale doit immédiatement annoncer la fin de tous ses financements de projets aux centrales à charbon partout dans le monde, en commençant par renoncer à participer aux prochains versements prévus pour la construction du projet de Punta Catalina.
Et les Amis de la Terre appellent la banque à ne pas commettre deux fois la même erreur en finançant le projet de centrale à charbon de Tanjung B Jati en Indonésie. Tout comme le Crédit Agricole, qui a également exprimé son intérêt pour le projet, elle doit renoncer à soutenir ce projet qui saperait durablement tout effort qu’elle pourrrait faire pour se racheter une image plus verte et plus responsable.
(1) Société Générale, Deutsche Bank, ING, Santander, et UniCredit
(2) http://www.dominicantoday.com/dr/lo...