Les banques et assurances françaises prêtent et gèrent des centaines de milliards d'euros chaque année. Ces financements et investissements ont des impacts sociaux et environnementaux énormes.
C'est précisément ceux-ci que les Amis de la Terre ont commencé à analyser à partir de projets controversés financés par les banques françaises à travers le monde, dans le but de faire changer les pratiques de ces géants de la finance. Ces analyses se sont depuis étendues à d'autres activités controversées, et à d'autres acteurs financiers tels que les assurances.
Ces projets ou activités controversés sont en effet rendus possibles par les activités bancaires et d'assurances, que ce soit par le biais de financements directs ou indirects, par de l'investissement dans les entreprises qui les réalisent, ou encore par tout service rendu à ces mêmes entreprises.
Suite à la crise financière, la campagne Responsabilité des acteurs financiers privés s'est aussi élargie à de nouvelles problématiques comme la lutte contre les paradis fiscaux et judiciaires, la spéculation et les prises de risques, la politique des banques vis-à-vis des clients et leur relation avec leurs salariés, le degré de démocratie dans leur fonctionnement, notamment lors de la campagne A nous les banques ! portée avec Attac en 2011.
Aujourd'hui, les Amis de la Terre interpellent les banques sur leur responsabilité dans les dérèglements climatiques. Car il y a urgence à rompre notre dépendance aux énergies fossiles sans pour autant tomber dans les fausses solutions que sont le nucléaire, les agrocarburants, les gaz de schiste, etc., les Amis de la Terre appellent les grandes banques à mettre un terme à leurs soutiens au charbon, et à transférer leurs soutiens climaticides aux énergies renouvelables.
Les Amis de la Terre invitent leurs clients à les interpeller sur l'usage fait de leur argent et à les quitter pour des établissements qui ne financent pas les changements climatiques.
Le charbon est la plus grande source de dioxyde de carbone d'origine anthropique (CO2). Le secteur énergétique représente les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Et, d'après l'AIE, le charbon compte pour 44 % des émissions dues aux combustibles fossiles au niveau mondial.
Alors que le charbon devrait être la première énergie fossile laissée dans le sol, il a au contraire été la source d'énergie la plus développée chaque année pendant la dernière décennie.
En effet, plus nous parlons de lutter contre les changements climatiques, plus nous produisons et brûlons du charbon. La production mondiale de charbon a augmenté de 69 % depuis 2000 pour atteindre aujourd'hui le niveau de 7,9 milliards de tonnes par an. Et, depuis 2005 - l'année où le protocole de Kyoto est entré en vigueur – la capacité installée des centrales électriques au charbon a augmenté dans le monde de 35%.
Jusquà peu, le même constat était fait du côté des financements : pour un montant total de 373 milliards d’euros de financements par les banques commerciales internationales au secteur du charbon, on note une augmentation de ces soutiens de 361,20 % entre 2005 et 20013. Pour un total de plus de 30 milliards d’euros, les soutiens des banques françaises au charbon ont quant à eux augmenté de 218% entre 2005 et 2013.
Ces tendances climaticides ne sont pas une fatalité. En 2015, grâce à la mobilisation des Amis de la Terre et à vos soutiens, Crédit Agricole, Natixis, Société Générale et BNP Paribas ont toutes adoptées des mesures qui réduisent leurs soutiens au secteur du charbon.
Ces mesures marquent des premiers pas vers un arrêt des financements au charbon, mais les banques doivent aller beaucoup plus loin dès 2016 pour aligner leurs financements avec les nouveaux objectifs adoptés à Paris, à savoir limiter la hausse de la température du globe « bien en-dessous des 2°C », avec une référence au 1,5°C demandé depuis des années par les pays les plus impactés par les changements climatiques.
Car, la science est sans appel : il nous faut renoncer à exploiter la quasi-totalité des réserves connues de charbon, et toute nouvelle centrale à charbon est incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à +1,5 °C, ou même +2°C.
En 2016, nous continuerons de nous battre pour que les banques mettent un terme à tous leurs soutiens directs et indirects au charbon et ne soutiennent pas à la construction des 2440 projets de nouvelles centrales prévus dans le monde.
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TROIS CRITERES D'EXCLUSION POUR UNE SORTIE DU CHARBON
Charbon : les plus et les moins des engagements 2015 des banques françaises !
Fonte des glaciers, désertification, acidification des océans et accélération des évènements climatiques extrêmes, les impacts directs des changements climatiques nous promettent une hausse de l'insécurité alimentaire, des épidémies, des migrations et même des risques de guerre. Et, si des millions de personnes dans le monde souffrent déjà des impacts des changements climatiques, les scientifiques du climat s'accordent à dire que le pire est encore à venir.
Sans changement radical et sur un temps réduit de nos modes de production et de consommation, nous nous dirigeons vers une hausse de la température mondiale de plus du double de la limite de 2 °C, bien au-delà donc des capacités d'adaptation de nombreuses sociétés et systèmes naturels.
Un des gros enjeu est de transformer en profondeur notre façon de consommer l’énergie. En effet, le secteur énergétique représente aujourd’hui les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Au règne des énergies fossiles doit s’imposer trois mesures : la réduction de notre consommation énergétique, l’augmentation de l’efficacité énergétique, et le développement des énergies renouvelables.
L’urgence à mettre un terme à notre dépendance aux énergies fossiles est bien réelle : d’après l’AIE, nous avons jusqu’en 2017. Après, seules des infrastructures zéro carbone pourront être construites si nous voulons pouvoir rester en dessous-du seuil de 2°C. Et plus, on attendra, plus ce sera couteux.
L'AIE estime désormais que 44 trilliards (44 000 milliards) de dollars sont nécessaires jusqu'en 2050 pour décarboniser le secteur de l'énergie, en hausse de 22 % par rapport au chiffre donné en 2012.
Etant donné l'incapacité des politiques à répondre à l'urgence climatique de manière adéquate, le développement des énergies fossiles, à la hausse ou à la baisse, au cours des prochaines années sera, dans une large mesure, déterminé par les décisions des investisseurs et des banques.
Aujourd’hui, les décideurs tendent à se focaliser sur le développement d’une finance au service du climat. Cependant, s’il est certes important d’augmenter les financements à l’efficacité énergétique et aux renouvelables, nos efforts seront vains tant que les financements dans les énergies fossiles augmenteront.
Les demandes des Amis de la Terre :
Pour être en mesure de diriger les financements des énergies fossiles vers l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, les banques doivent être transparentes sur leurs activités dans le secteur énergétique et publier l’intégralité des projets et entreprises actives qu’elles soutiennent dans le secteur énergétique.
Les banques devraient aussi calculer et publier leurs émissions de CO2 –leurs émissions non pas de bureau mais celles induites par leurs activités de financement, d’investissement et de gestion d’actifs- et s’engager à les diminuer en cohérence avec les objectifs climatiques internationaux.
Les banques doivent s'engager sur un plan de sortie des énergies fossiles et mettre immédiatement un terme à leurs soutiens aux secteurs du charbon et des hydrocarbures non conventionnels.
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Le pouvoir du secteur financier
Les Amis de la Terre ont réalisé une étude en 2008 sur la prise en compte des changements climatiques dans les activités des assurances françaises. Cette étude, intitulée Assurances françaises, changements climatiques garantis? , a analysé les trois axes suivants en dix critères :
Aucune assurance française n'a adopté une politique climatique globale complète. La plupart se contente de déclarations de leur président sur le sujet dans les médias, ou de quelques pages dans leur rapport annuel de développement durable, mais peu font l'effort de formaliser leur position. Par ailleurs, comme pour les banques, les assurances consacrent bien plus le peu de ressources qu'elles consacrent au développement durable à la sensibilisation de leurs employés qu'à leur formation à cette problématique et ses conséquences sur leur métier. Les Amis de la Terre demandent la mise en place d'une politique transversale sur le climat comprenant la reconnaissance de la responsabilité de l'assureur, l'adoption d'objectifs ambitieux de réduction des émissions induites, la formation interne des salariés par ligne de métier, et un suivi et une évaluation publics de la politique.
Coeur de métier historique des assurances, les Amis de la Terre ont analysé l'intégration d'incitatifs au changement de comportement de leurs clients dans les produits d'assurance automobile et habitation. Le but est par exemple d'inciter les clients à conduire moins, mieux et dans des véhicules moins polluants, ou de couvrir sans surprime et de garantir la production d'énergie renouvelable et l'utilisation d'écomatériaux. Mais les résultats sont décevants. De bonnes pratiques existent cependant pour ces deux produits et ne demandent qu'à être généralisées. Les Amis de la Terre demandent donc l'intégration des quatre incitatifs identifiés pour chacun des produits d'assurances, afin de contribuer au changement de comportement des assurés.
Le levier principal des assureurs sur le climat, et le point noir de l'étude, résident dans leur gestion d'actifs puisqu'ils gèrent plus de 1 400 milliards d'euros d'actifs rien qu'en 2008! Force est de constater que pratiquement rien n'est fait aujourd'hui ou presque dans ce domaine. Les assureurs se limitent en effet dans le meilleur des cas à quelques produits ISR (Investissement Socialement Responsable) prenant plus ou moins en compte le climat et à la gestion de leurs votes pour les résolutions d'assemblées générales d'actionnaires. Les Amis de la Terre demandent l'intégration de la dimension climatique à la gestion de l'ensemble des actifs et un activisme actionnarial régulier dans ce domaine, ainsi que l'adoption de politiques sectorielles de réduction/d'exclusion d'entreprises dans les secteurs à risque du secteur énergétique (énergies fossiles, nucléaire, agrocarburants...).
Transparence
La transparence reste malheureusement encore trop l'exception plutôt que la règle dans le milieu financier et il est extrêmement difficile d'obtenir des informations, même celles portant sur des secteurs plutôt que sur des transactions particulières. Certaines banques prétextent le secret bancaire là où d'autres font l'effort de publier des éléments d'information. Les Amis de la Terre demandent la transparence totale sur tous les projets qu'elles financent et les entreprises avec lesquelles elles font affaire, en France et dans le monde. Pour plus d'informations, lire le rapport Les banques sont-elles transparentes ? , publié par Les Amis de la Terre et Attac en juin 2011.
Normes sociales et environnementales
Comme pour les institutions financières publiques (Banque Mondiale, Banque Européenne d'Investissement, Coface...), les campagnes des ONG ont révélé l'absence de normes environnementales et sociales exigeantes et contraignantes dans les pratiques bancaires. Celles-ci évoluent depuis, avec par exemple l'adoption des Principes d'Equateur, mais ces derniers ne s'appliquent qu'aux financements de projets, qui ne représentent qu'une infime partie de l'activité bancaire (moins de 2%). Les banques ont aussi adopté des politiques sectorielles pour certains secteurs à risques mais celles-ci sont insuffisantes pour avoir un réel impact. Les Amis de la Terre demandent aux banques de dépasser l'approche de gestion des risques et d'exclure ces secteurs de tous leurs soutiens.
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Politiques sectorielles : le grand leurre ?
Climat
En matière climatique, les banques françaises ne montrent pas du tout l'exemple et sont très en retard dans la prise en compte de cette problématique au sein même de leurs activités. La plupart ne se préoccupent pour le moment que de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) directes (agences bancaires, transport des employés...) en occultant l'enjeu réel pour le secteur bancaire : les émissions de GES induites par leurs financements et leurs investissements. Le rapport Banques françaises, banques fossiles? des Amis de la Terre a ainsi révélé que les banques françaises émettaient indirectement plus de trois fois les émissions totales de la France, et qu'elles financaient 10 fois plus les énergies fossiles polluantes que les énergies renouvelables! Tout reste donc à faire ! Par la suite, le rapport L'empreinte carbone des banques françaises évaluaient le montant des émissions financées des banques françaises qui se révèlent être 1000 fois supérieures à leurs émissions directes. Les Amis de la Terre demandent le calcul et la réduction des émissions de GES induites par les activités bancaires. Les banques doivent donc au plus vite définir des méthodologies de calcul et se fixer des objectifs de réduction très stricts de ces émissions.